Nous vous présentions hier quelques-uns des papillons, dans leur forme adulte, qui font la diversité de notre territoire. Mais leurs chenilles n’en sont pas moins éclectiques. Voici quelques-unes des plus belles chenilles que nous avons observées cette année.
Sous une feuille d’ortie, j’ai trouvé la chenille du Robert-le diable. J’ai retourné doucement la feuille et en approchant mon appareil photo, elle a pris cette curieuse posture, soulevant son postérieur (la tête est à gauche sur la photo). Ses appendices épineux ainsi exhibés sont sà»rement dissuasifs pour un certain nombre de prédateurs potentiels.
La rangée de « hublots » le long de ses flancs, ce sont des stigmates. C’est par là qu’elle respire.
Un monstre à deux têtes ?
En insistant dans mon approche, elle a bombé le dos. J’ai cru y voir le dessin d’un monstre à deux têtes, aux bras épineux !
Quel papillon deviendra cette singulière chenille ?
Le papillon qui succèdera à la chenille doit son surnom de Robert le diable à sa couleur de feu et à la découpe à la diable (c’est-à -dire désordonnée) de ses ailes. Pour ce qui est de son nom scientifique, on distingue nettement le « c-album » (une lettre c blanche) sur le dessous de son aile postérieure.
Natureparif avait invité le 14 septembre 2017 les animateurs nature d’Ile-de-France a une journée de formation sur les insectes, animée par François Lasserre, enseignant, formateur et auteur de nombreux ouvrages d’entomologie. La vallée de la Bièvre, de Guyancourt à Jouy-en-Josas, fut notre terrain de jeux.
Je me suis exercé lors de cette journée à prendre des photos rapprochées avec mon smartphone. La prise de vues nécessite un peu de dextérité : il faut tenir l’appareil d’une main, bien parallèle au sujet, mettre au point et déclencher avec le doigt de l’autre main sans trembler, tandis que la troisième main tient le brin d’herbe pour empêcher l’insecte de bouger dans le vent… Mais les résultats sont intéressants, avec une assez belle lumière et une bonne profondeur de champ. Les trois photos de cet article ont été prises avec le smartphone.
Au bord de la rivière, nous avons pu observer quelques odonates, entre deux averses : un Anax, des Sympetrum et de fluets agrions, comme celui sur la photo ci-dessus.
Une pêche au troubleau (grosse épuisette très solide) a permis de remonter la petite faune du fond d’une mare. Cette imposante larve d’odonate, sà»rement un Anax, a eu droit à une séance photos de star avant d’être relâchée dans son milieu. Au printemps prochain, elle fera sa sortie de l’eau pour se transformer en adulte. En attendant, elle prend des forces en dévorant de nombreux animaux aquatiques, y compris des larves d’autres libellules d’espèces plus petites.
Nous avons testé plusieurs jeux d’équipes sur le thème des insectes. Là , j’ai pu mesurer l’étendue de mes lacunes en psychomotricité…. Ce qui m’a le plus intéressé, c’est un jeu tactile très simple, à faire en binôme : ma coéquipière m’avait bandé les yeux et je devais deviner, uniquement au toucher, quel insecte elle plaçait dans ma main.
Je vous mentirais si je vous disais que j’avais reconnu la chenille du bombyx de la ronce. Je m’étais arrêté à « grosse larve » et, sans la vue, je l’avais imaginée, du bout des doigts, verte et non poilue ! Je vous recommande cette expérience, c’est très étonnant !
Inquiète et contrariée de se faire ainsi manipuler, cette chenille s’était roulée fermement en boule, méritant son surnom d’anneau du diable. Je peux attester qu’elle n’est pas urticante.
Malgré sa couleur brune, cette chenille, probablement du genre Eupithecia, passe facilement inaperçue sur cette tige d’aster. Prenant appui sur ses dernières fausses pattes abdominales, elle s’étire et rassemble ses vraies pattes sous sa tête, prenant la forme d’un rameau terminé par un bouton floral. L’angle d’incidence sur la tige, parfaitement bien imité, trompe nos sens. Cette attitude permet sans doute à la chenille d’échapper à quelques prédateurs. Cette espèce fait partie de la famille des Geometridae dont les chenilles sont arpenteuses.
Camptogramma bilineata, la brocatelle d’or, est un autre membre de cette très grande famille des Geometridae (609 espèces en France).
Près de la passerelle du Théâtre 95 à Cergy, j’ai rencontré ce « serpent cyclope ». Ce n’est pas un pokémon rare, mais c’est tout de même une espèce protégée par un arrêté national.
Proserpinus proserpina est le sphinx de l’épilobe. Le passage des jardiniers armés de leur débroussailleuse ne m’a pas permis de connaître sa plante-hôte. Je crois me souvenir qu’il y avait là quelques pieds d’oenothères, plantes qui peuvent nourrir aussi cette chenille.
L’ocelle dessiné sur son corps mime un œil menaçant. Mais, détail étonnant, celui-ci est placé sur la partie arrière de son abdomen et non sur sa tête. Ainsi, lorsque la chenille se sent menacée et qu’elle dresse et agite soudainement son abdomen, elle crée l’illusion d’un serpent prêt à déclencher une attaque. Il m’a fallu me raisonner pour affronter la bête.
Pour renforcer la duperie, l’extrémité de l’abdomen de la chenille est en forme de bouche !
Pour passer inaperçu sur une feuille quand on est une chenille, on peut être de couleur verte, mais on peut aussi ressembler à une crotte d’oiseau ! C’est la stratégie de cette chenille d’un papillon de nuit qui consomme les ronces. Je l’ai vue au bord de l’Oise à Neuville sur sa plante hôte. Ce lépidoptère de la famille des Drepanidae est très commun, il est sans doute présent dans toute la France. Pour voir le papillon, il faut attendre le mois d’aoà»t.
Presque 4 cm de long : assurément, c’est une belle larve ! Elle était dans la terre d’une zone de friche au parc du château de Menucourt, sous une touffe d’herbe. On aperçoit ses trois paires de vraies pattes munies d’une griffe et plus loin sous l’abdomen ses fausses pattes qui l’aident dans sa progression souterraine. De sa chrysalide émergera un papillon de nuit assez discret aux ailes disposées en toit au repos. Les chenilles d’hépiales consomment les racines de nombreuses plantes, elles peuvent parfois causer des dégâts aux cultures. On ne compte dans cette famille que 9 espèces en France.
Les saules hébergent au moins cinquante espèces d’insectes, dont certaines sont inféodées à une espèce particulière de saule. Voici quelques insectes communs observés à Cergy-Pontoise sur des saules ou à proximité immédiate de saules.
Le grand puceron du saule résiste au gel jusqu’à – 5°C, on peut donc le voir en hiver. Il est inféodé aux saules et fréquente surtout le saule des vanniers (Salix viminalis).
Les Clytra adultes semblent se nourrir principalement de feuilles de saules. Ces coléoptères pondent des œufs entourés d’une coque rigide que les fourmis emmènent dans leurs fourmilières. Les larves de Clytra s’y développent probablement au détriment de leurs hôtes.
Les chenilles de la xanthie cirée consomment les feuilles des saules et aussi des peupliers.
Les lestes verts femelles insèrent leurs œufs dans l’écorce de branchettes d’arbres au bois tendre, au-dessus de l’eau : saules, frênes, peupliers, aulnes…
Cette belle chenille à points blancs se nourrit de feuilles de rumex, de plantains, de houblon, de chardons, mais aussi de saules. Son papillon est la noctuelle de la patience.
Cette belle-dame a du tempérament : c’est une migratrice hors pair. Chaque printemps, des millions de papillons de cette espèce quittent l’Afrique du Nord en troupes serrées et entament une remontée vers le nord de l’Europe, parfois même jusqu’en Islande. Si vous voyez une belle dame, levez le nez : il n’est pas rare d’en voir beaucoup d’autres dans le ciel.
Ce voyage se fait par étapes, généralement trois générations sont nécessaires pour atteindre l’Europe du Nord. Ce sont les papillons de cette troisième génération qui feront le voyage de retour vers l’Afrique en octobre. Il est très difficile cependant d’observer cette migration d’automne parce que les papillons volent à plus de 1000 mètres d’altitude. Ils arriveront au Sahel après la fin de la saison des pluies, pour fonder la quatrième et dernière génération de l’année.
J’ai observé fin juin 2015 cette belle chenille en train de consommer une feuille de chardon des champs, au bassin des Pâtis, à Pontoise. Je l’ai déterminée comme une chenille de belle-dame, sans doute un individu de troisième génération.
On trouve les chenilles des belles-dames essentiellement sur les chardons, les orties et les mauves. Quant aux papillons, ils semblent avoir une prédilection pour les lavandes et les centranthus (valérianes rouges), souvent employés dans les espaces verts en raison de leur bonne résistance à la sécheresse.
Certaines années connaissent des migrations spectaculaires de ce papillon, en conséquence de conditions climatiques particulièrement favorables en Afrique. Si 1996 et 2009 sont restés dans les annales, 2015 ne semble pas une très bonne année pour la migration des belles-dames. Et la sécheresse qui s’installe cet été au Sahel n’annonce rien de bon pour nos vanesses des chardons en 2016.
Tous les jours en allant au travail, je passe devant ce gros pied de bouillon-blanc, près de l’université de Cergy-Pontoise à Neuville. Ces derniers temps, la tige est montée rapidement et on voit poindre les premières fleurs. Mais la plante a l’air sinistrée ; aurait-elle fait une mauvaise rencontre ?
La voilà , la responsable : la chenille de la brèche. Elles sont une bonne quinzaine à dévorer les feuilles de la plante, les transformant patiemment en dentelles.
Une toute petite mouche tournicote dans le secteur. C’est un représentant de la famille des Chloropidae. Plusieurs espèces de cette famille se nourrissent de sécrétions animales, et on les voit parfois lécher des larves d’insectes. Aussi, la concentration de chenilles sur cette plante n’est peut-être pas étrangère à la présence de ce diptère.
Avec son abdomen bien vert et ses fémurs postérieurs dodus, je verrais bien là l’espèce Meromyza femorata dont la larve consomme une graminée, le dactyle aggloméré, très répandu dans les prairies voisines.
Ce micro-hyménoptère, tout aussi fort en cuisses, a l’air de s’intéresser également aux chenilles. Cette espèce est un parasitoà¯de connu pour pondre dans les chenilles de la piéride du chou. Dans celles de la brèche aussi, apparemment…
Alors, pour protéger vos choux, semez donc au jardin des bouillons-blancs. Si ça ne favorise pas les Brachymeria, ça fera joli.