Les hespéries sont de petits papillons de jour difficiles à déterminer, sauf cette espèce repérable à la coloration rousse du bout de l’abdomen et au bel alignement des quatre taches blanches submarginales de l’aile antérieure (chez les Pyrgus, la quatrième tache est décalée, voir ci-dessous).
L’hespérie des sanguisorbes est une espèce très peu observée en Ile-de-France en dehors de la région de Fontainebleau. Cettia Ile-de-France indique depuis 2012 deux observations dans les Yvelines et une dans le Val d’Oise. Spialia sertorius est classé « vulnérable » dans la liste rouge régionale des papillons de jour. Sa plante hôte préférée est la petite pimprenelle, Poterium sanguisorba (synonyme Sanguisorba minor).
Une écorce décollée sur le tronc d’un arbre mort tombé au bord du chemin me tente : je jette un coup d’œil dessous, pour voir. Oh oh, un carabe à reflets d’or y est caché, à demi enfoui dans le bois pourri !
Il est bien tard en saison pour hiverner encore… Je le sors de sa cachette, mais il fait le mort ! Je le titille un peu et dois me rendre à l’évidence : ce carabe est vraiment mort. Et quelque chose d’étrange dépasse longuement de sa bouche. Serait-ce un champignon ?
Cela me rappelle un reportage sur des Cordyceps asiatiques. Ces champignons filiformes qui parasitent des chenilles enfouies dans le sol sont patiemment récoltés dans les alpages par les paysans tibétains, car ils sont réputés en médecine traditionnelle chinoise, notamment pour lutter contre l’impuissance. Ces « champignons-chenilles » atteignent des prix astronomiques, au détail, dans les pharmacies spécialisées de Pékin : plus de 100 € le gramme !
Existerait-il des Cordyceps susceptibles de parasiter les carabes ? Mes recherches me mettent sur une très bonne piste : une espèce présente en Europe est effectivement spécialisée dans les carabes ! Cordyceps entomorrhiza parasite les larves de carabes et aussi, mais plus rarement, les adultes.
Ce sera le seul champignon de la sortie, mais pour le coup une vraie rareté, et premier signalement régional de l’espèce sur Cettia !
La sortie nature au campus de Neuville-sur-Oise, dans la cadre de l’événement Make Neuville Green Again avait été annoncée par notre article du 13 mars 2019. Les participants ont été invités à une petite boucle, de la Maison Internationale de la Recherche à la gare, ponctuée d’arrêts qui ont permis de lever le voile sur certains aspects étonnants de la biodiversité locale :
Des approfondissements seront proposés ce printemps, en priorité aux étudiants, qui permettront de constituer des inventaires de biodiversité du campus de Neuville-sur-Oise, mettant en application différents protocoles de sciences participatives, sur les oiseaux, les coccinelles, les plantes, les papillons…
Ces fourmis rousses des prés ont entrepris de construire leur fourmilière à proximité de l’Université de Neuville-sur-Oise.
Je suis content de les revoir, car je pensais les avoir perdues : à l’emplacement du dôme que j’avais repéré en 2017 s’élève maintenant un immeuble. Mais ces fourmis ont de la ressource, elles sont capables de déménager leur colonie et de s’établir si nécessaire quelques dizaines de mètres plus loin, à l’abri des perturbations. C’est ce qu’elles ont fait en se rapprochant de la route. Installées au sommet d’un petit talus, elles devraient être aussi à l’abri des engins de fauchage. Elles profitent cependant des travaux de broyage de la végétation qui leur fournissent les matériaux de construction de leur dôme.
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Formica pratensis se différencie des espèces proches à la coloration noire bien délimitée du dessus du thorax.
En avril 2017, j’avais vu un mâle parmi les ouvrières, reconnaissable à sa petite tête, ses ailes, et son thorax noir (au centre de la photo ci-dessous).
Il existe au moins 39 espèces de fourmis en Ile-de-France, les fourmis du genre Formica étant parmi les plus imposantes.
Des fourmis bénéfiques pour la forêt
Comme elles consomment beaucoup d’insectes, dont des chenilles et des coléoptères, les fourmis du genre Formica sont reconnues comme des insectes auxiliaires. Il paraît que quatre colonies à l’hectare de fourmis rousses des bois (Formica rufa) sont suffisantes pour assurer la régulation des chenilles processionnaires du pin. Pour profiter de leurs services, on peut bouturer des colonies en prélevant une partie d’un dôme et le transplantant dans un secteur à protéger. Les forestiers italiens ont pratiqué ainsi avec succès. Dans ce pays, ainsi qu’en Suisse et en Allemagne, mais pas en France, les fourmis rousses des bois sont protégées.
Les pics, les blaireaux et les sangliers, friands de leur couvain, sont leurs ennemis naturels.
Plus de 170 espèces myrmécophiles spécialisées vivent dans les dômes de ces fourmis, en symbiose ou en parasites : des coléoptères, des diptères, des hémiptères, des hyménoptères, sans compter les cloportes et les collemboles… Je n’ai pas voulu déranger, je crois les scientifiques sur parole.
Qui a dit « Les champignons, c’est uniquement en automne » ? Un groupe de membres de l’association Chemins et Rencontres d’Eragny-sur-Oise est venu prouver le contraire au parc du château de Grouchy mercredi 6 mars 2019, sous la houlette de Marie-Louise Arnaudy, mycophile expérimentée.
Les nombreux troncs morts et tas de bois au bord des chemins ont permis de faire de belles observations de champignons spécialistes de ces milieux :
Ce champignon réputé comestible ressemble beaucoup à un faux frère très toxique : méfiance ! En cliquant sur la photo, on peut vérifier l’aspect finement velouté du pied.
Le chapeau de la tramète versicolore présente des variations de gris et de noir, parfois avec du bleu. Chez les tramètes, le dessous du chapeau est percé d’une multitude de pores de petite taille.
Les rhizomorphes, filaments indurés de mycélium, sont partis à l’assaut d’un vieux tronc mort de peuplier, juste sous l’écorce. Il paraît que quand il est jeune ce mycélium est bioluminescent !
Fragile et gracieux, le coprin micacé pousse en touffes serrées sur le bois mort et les vieilles souches. Il doit son nom aux peluches d’aspect micacé qui ornent son chapeau. En vieillissant ce champignon noircit beaucoup.
L’examen de troncs tombés a permis de rencontrer quelques habitants du bois pourri cachés sous les écorces : la rhagie inquisitrice, un carabe, le petit silphe noir, une larve de tipule, des cloportes, des diplopodes, des collemboles sauteurs, des iules nonchalantes et d’autres mille-pattes.
Les Polydesmidae sont des diplopodes : ils ont deux paires de pattes par segment.
La rhagie inquisitrice est un longicorne inféodé au bois mort des conifères. On trouve facilement l’adulte sous les écorces d’épicéa en hiver.
Un syrphe s’est posé sur un saule nain. Je m’approche à pas de loup et le photographie sous tous les angles pour pouvoir le déterminer. Celui-ci a un bien joli ventre blanc et soyeux. Avec le dos de son thorax d’aspect assez mat, je lui trouve un bon look de Syrphus.
Là , dans ses yeux, ce sont bien des petits poils hérissés et non des grains de pollen qui brillent au soleil ! C’est un bon critère pour distinguer Syrphus torvus des autres espèces du même genre. La base noire des fémurs vient confirmer la détermination.
Voici pour comparer une espèce proche : Syrphus ribesii, le syrphe des groseilliers, aux pattes beaucoup plus jaunes et aux yeux glabres. Celui-ci d’ailleurs est un mâle car ses yeux sont jointifs.
Ces deux Syrphus, présents dès le mois de février, sont de bons auxiliaires pour le jardinier car leurs larves consomment des pucerons. Ces espèces ont plusieurs générations dans l’année. Offrez donc aux syrphes dans votre jardin des fleurs à butiner dès la sortie de l’hiver !
Pour les amateurs de clés de détermination, je propose celle-ci, fort bien faite :
Au parc du château de Grouchy à Osny, la grande allée des épicéas est très prisée des promeneurs. Mais cet alignement est vieillissant et les jardiniers ont abattu ça et là les arbres morts, laissant le bois débité en lisière du boisement. Sous l’action des insectes et des champignons, ce vieux tronc coupé a perdu une bonne partie de son écorce qui s’est décollée et gît à terre.
De drôles de traces, sous cette écorce !
Sur l’envers de l’écorce, cette curieuse structure annulaire en fibre de bois fermait autrefois le creusement rond que l’on observe sur le tronc dénudé. Le tout assemblé formait la loge nymphale d’un coléoptère xylophage typique des conifères : la rhagie inquisitrice.
Un longicorne à antennes courtes ?
Caché sous un lambeau d’écorce, je débusque un adulte de cette espèce. Contrairement aux apparences, c’est bien un longicorne.
Les marbrures de ses élytres aux côtes bien marquées, ses poils blancs et l’étroitesse de sa tête en arrière des yeux permettent de distinguer cette espèce. Rhagium inquisitor est commune partout où se trouve le milieu nécessaire au développement de ses larves : les troncs morts de conifères.
Cette rhagie dormait en compagnie d’un petit silphe noir, grand chasseur d’escargots :
J’ai délicatement replacé ces insectes dans leur abri, où ils attendront sagement le printemps.
Retrouvez d’autres insectes xylophages du parc du château de Grouchy :
Sur les choux cavaliers, les chenilles de la piéride ne sont plus là , mais une mouche Tephritidae se chauffe au soleil. L’extrémité de l’aile est noire avec un petit point blanc : il s’agit de Tephritis vespertina, dont la larve vit dans les capitules de la porcelle enracinée, une astéracée très commune dans les pelouses.
Je suis des yeux un papillon à l’allure sombre. Il finit par se poser sur le pignon de la maison de Patrice.
C’est un vulcain. Ce papillon a passé l’hiver à l’état adulte, abrité dans une cavité ou sous un tas de feuilles. Les premiers rayons de soleil de février l’ont réveillé.
Lorsqu’il étale ses ailes, on voit le grand motif orange presque circulaire, ponctué dans sa partie arrière de petites taches noires avec des écailles bleues.
Cette silhouette en T est typique des Pterophoridae, une famille de papillons de nuit qui compte 144 espèces en France (et je n’en connais que quatre !).
Comme tous les lépidoptères, ils ont bien deux paires d’ailes, mais elles sont étroites et généralement superposées. Ci-dessus, l’une des espèces les plus fréquentes dans cette famille, le ptérophore commun (Emmelina monodactyla) dont la chenille consomme les fleurs et les jeunes feuilles de liserons.
Le ptérophore blanc, aux ailes nettement lobées et plumeuses est aussi un hôte des liserons. On trouve cette espèce dans les mêmes endroits que la précédente, les jardins et les bords des champs.
Cette autre espèce se nourrit sur la tanaisie. Elle fréquente les friches.
Quant aux Amblyptilia , leurs chenilles consomment de nombreuses espèces de plantes basses dont les liserons, les géraniums, les menthes et aussi l’épiaire des bois. Pour cela, on peut rencontrer cette espèce dans les bois humides, comme ici dans le parc du château de Grouchy. Elle est commune en raison de son caractère polyphage.
De très nombreuses autres espèces dans cette famille sont spécialisées sur un genre ou même une espèce de plante. Il existe des Pterophoridae inféodées plus ou moins strictement aux tussilages, aux seneçons, aux knauties, aux laitues vireuses, aux germandrées, aux origans, aux gentianes, aux marrubes, aux inules, aux pâquerettes, aux eupatoires… Et beaucoup d’espèces n’ont pas de plantes hôtes connues. Il reste tant à découvrir sur la biologie de ces étranges papillons !
Découvrez dans ces articles les étonnantes chenilles de quelques Pterophoridae :
Les pics s’en sont donnés à cœur joie sur ce tronc d’arbre mort renversé par un coup de vent. Ils ont fait sauter toute l’écorce à la recherche de larves d’insectes, mettant au jour ces galeries étonnamment sinueuses.
Ces méandres sont la signature typique des agriles, coléoptères Buprestidae, dont il existe une bonne trentaine d’espèces en France métropolitaine, la plupart en zone méditerranéenne.
Les adultes de cette famille ont une silhouette allongée, des antennes courtes et sont souvent de couleur métallique. On peut les observer quand ils se nourrissent sur les fleurs dans les lisières. Voici deux espèces d’Anthaxia, un genre voisin des Agrilus :
Une autre espèce de Buprestidae est célèbre pour ravager les haies de thuyas, c’est le bupreste du genévrier (Lamprodila festiva). L’adulte, très joli, est d’un vert métallique taché de bleu nuit.
Mais la vedette médiatique de cette famille est incontestablement l’agrile asiatique du frêne (Agrilus planipennis) qui fait de gros dégâts en Amérique du Nord. En 2018, cette espèce n’était pas encore en France.
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