Une colonie de pucerons aspire paisiblement la sève de cette tige de porcelle sur la pelouse du parc François-Mitterrand à Cergy. Une scène presque buccolique. Et pourtant, à y regarder de près (au centre de la photo)…
Ce minuscule hyménoptère noir dont on voit ici la tête au centre de l’image est un parasitoà¯de des pucerons. Un Aphidius peut-être, ou un Praon ?
Les pucerons parasités par les Praon présentent ce genre de cocon tissé par la larve pour s’y nymphoser après avoir consommé tout l’intérieur du puceron.
Un inventaire de biodiversité se fait en plusieurs passages pour compléter les observations avec l’arrivée de nouveaux habitants. Quoi de neuf par rapport à notre visite du 22 juin 2016 ?
Avec les chaleurs de l’été, de nouvelles espèces de papillons sont apparues : le paon de jour, le vulcain, l’azuré des nerpruns.
Les ombelles des carottes sauvages sont bien épanouies et nous trouvons quantité d’insectes floricoles : Cteniopus sulphureus, Rhagonycha fulva, Trichius fasciatus, Arge cyanocrocea, Myathropa florea, Graphomya maculata…
Les larves de Arge cyanocrocea ont pour plante hôte la ronce, qui ne manque pas dans le secteur.
Les larves de la trichie fasciée se nourrissent de bois pourri. Au second plan, on aperçoit Cteniopus sulphureus, fréquent sur les fleurs de carottes. Ses larves consomment des matières végétales en décomposition.
Les larves de Myathropa florea affectionnent les eaux stagnantes. Le dessin sur son thorax lui vaut son surnom de « mouche tête de mort » ou encore « mouche Batman ».
La floraison des berces communes attire aussi de nombreux diptères.
La larve de Graphomya maculata se nourrit d’autres insectes dans l’humus des sols humides. C’est un insecte typique des bords de mares.
En repartant, nous croisons ce drôle de papillon dans une friche où pousse la tanaisie, plante hôte de la chenille de cette espèce : Gillmeria ochrodactyla.
Du bord du parvis de la préfecture à Cergy, on peut admirer le parc et ses bassins.
Dans la jardinière formant parapet, que la pyramide inversée de la préfecture abrite de la pluie, survivent à grand peine quelques Euphorbia myrsinites. Ces plantes bien méritantes bénéficient tout au plus d’un peu de brouillard ou de quelques flocons de neige portés par le vent.
Du coup la terre est très sèche. Et c’est une aubaine pour les abeilles sauvages qui y creusent de solides galeries pour y loger les réserves de pollen pour leur descendance !
Ces abeilles sauvages, excellentes pollinisatrices du printemps et tout à fait inoffensives, vont et viennent les pattes chargées d’un pollen rouge brillant que je n’ai pas pu identifier. J’ai bien essayé de les suivre, mais elles volent plus vite que moi.
En observant de près l’entrée de ces terriers, j’ai trouvé à terre une abeille morte.
Ne dirait-on pas un nounours tout poilu ? Il s’agit d’un anthophore femelle, très probablement de l’espèce Anthophora plumipes, de loin la plus commune des 15 espèces que l’on peut observer dans la moitié nord de la France. C’est sur les longs poils denses de ses pattes postérieures que cet insecte amasse le pollen pour le rapporter dans son terrier.
Les mâles d’Anthophora plumipes sont très faciles à reconnaitre : une « plume » orne le premier article du tarse de leurs pattes médianes. Ils émergent quelques jours avant les femelles et patrouillent sur leur territoire, où abondent les plantes fleuries. Ils apprécient particulièrement les Lamiacées et les Fabacées. Les langues longues des anthophores sont en effet très bien adaptées pour aller chercher le nectar au fond de corolles profondes, comme celles du lamier blanc (une Lamiacée) par exemple. Lorsqu’une femelle arrive sur son territoire pour se nourrir, le mâle attend qu’elle s’immobile pour sauter vivement sur son dos, la saisissant par ses pattes antérieures et postérieures. Il agite alors ses pattes médianes : un truc infaillible pour séduire les femelles…
J’ai observé que les mâles de cette espèce fréquentent aussi les massifs fleuris, butinant les pensées, avec une préférence inexpliquée pour celles à fleurs jaunes.
On appelle barbacanes ces fentes ménagées dans les murs de soutènement, elles sont destinées à évacuer l’eau de drainage. En voici un exemple à Vauréal :
De la terre fine s’écoule de l’ouverture. Curieux, je jette un œil à l’intérieur.
Ce sont des abeilles solitaires qui escaladent la pente abrupte et font rouler quelques grains de terre sèche sous leurs pas. Elles habitent tout au fond de cette cavité. Ces insectes, inoffensifs et bons pollinisateurs, creusent des terriers dans les parois de terre et y entassent du pollen pour la nourriture de leurs larves.
La pilosité dense et épaisse qui équipe leurs pattes postérieures leur permet de transporter le pollen. Celle abeille ouvre aimablement les ailes. L’examen de la nervation alaire me confirme la famille des Andrenidae.
A l’entrée de la barbacane, il y a du monde !
Ce bombyle bichon pondra ses œufs à l’entrée des terriers des abeilles solitaires et ses larves se développeront au détriment de celles des andrènes. Comme chez les Villa (autre genre de la famille des Bombylidae), la femelle possède une poche à sable dont elle se sert pour alourdir ses œufs poisseux et mieux les projeter. Un peu plus bas, un Nomada semble aussi guetter le moment propice pour commettre son forfait. Les larves de Nomada consomment également les provisions des abeilles sauvages au fond de leur terrier. C’est pour cela qu’on les nomme guêpes coucous. Il existe en France au moins 80 espèces de Nomada et certaines d’entre elles sont spécialisées dans le parasitage d’une seule espèce d’abeille solitaire.
J’observe aussi qu’une mouche grise tournicote à l’entrée de la barbacane et finit par se poser sur le mur.
Les dessins de sa tête sont caractéristiques du genre Leucophora. Les leucophores sont des mouches coucous. Mais cette mouche n’ira pas pondre dans le terrier de l’abeille, car c’est un mâle. Il attend le passage d’une femelle de son espèce.
A la force de ses pattes et de ses petites mandibules, la femelle Cynips quercusfolii, trompée par la douceur de ce début d’hiver, vient de sortir de la galle d’une feuille de chêne.
Pas plus grosse qu’une fourmi, cette espèce est responsable de ces grosses billes jaunes et rouges que l’on trouve fréquemment au revers des feuilles de chêne.
La petite femelle a déployé ses ailes et s’est envolée à la recherche d’un chêne où elle déposera ses œufs dans les bourgeons prêts à éclore. Pas besoin d’un mâle, ses œufs non fécondés sont parfaitement viables, ils donneront des larves puis des adultes très petits, mâles et femelles. Après accouplement, les femelles de cette génération iront pondre sous les feuilles, provoquant alors ces galles caractéristiques. Dans chaque galle, une larve unique donnera naissance au printemps suivant à une femelle, et la boucle sera bouclée. Ainsi va la vie du cynips des feuilles de chênes.
Il paraît qu’il existe au moins une centaine d’espèces d’hyménoptères gallicoles vivant aux dépens des chênes, toutes responsables de galles différentes. Cynips quercusfolii est l’une des plus communes.
Retrouvez d’autres articles sur des galles du chêne :
En voulant planter un arbuste dans mon jardin, j’ai pioché malencontreusement dans une fourmilière. Pendant que les fourmis rousses s’activaient à mettre à l’abri leurs larves, quelques minuscules cloportes tout blancs, désemparés, semblaient errer au hasard.
Ces cloportes dépigmentés et aveugles ne voient jamais le jour. Ils vivent le plus souvent en commensalisme avec des fourmis, se nourrissant de leurs excréments. En creusant le sujet, j’ai vu qu’ils appartiennent à une famille particulière de crustacés terrestres : les Platyarthridae. Il en existe dix espèces en France, pour la plupart méditerranéennes ou littorales. Platyarthrus hoffmannseggi est la plus répandue et la seule qui soit connue en Ile-de-France.
Un gros tronc d’arbre bien pourri en forêt, voilà qui est tentant. J’irais bien voir qui se cache à l’intérieur. Une petite biche, un lucane, une larve de cardinal…? J’arrache une poignée de bois au hasard.
Coup gagnant, on dirait qu’il y a une loge ! Et qui sommeille au plafond ? Surprise, un frelon !
C’est une reine : seules les femelles nées en été et fécondées vont survivre à l’hiver, cachées dans un abri, tout le reste de la colonie va mourir à l’arrivée des premiers froids. Elle fondera une nouvelle colonie à son réveil en avril.
A ses pattes uniformément sombres, je reconnais l’espèce européenne ; ce n’est pas le frelon asiatique qui a l’extrémité des pattes jaunes.
Le frelon européen mange beaucoup de fruits en été. Pour nourrir ses larves, il capture aussi toutes sortes d’insectes, y compris quelques abeilles domestiques.
Le frelon asiatique, espèce invasive, est plus petit et globalement plus sombre que le frelon européen. Ses colonies sont souvent plus nombreuses que celles du frelon européen et il exerce une pression de prédation plus importante sur les abeilles domestiques.
Il est arrivé à Courdimanche, ce sont les jardiniers des jardins familiaux près du rucher communal qui l’ont repéré cet automne. L’apicultrice a posé un piège avec du miel fermenté et a confirmé : plusieurs frelons asiatiques s’y sont pris. On s’y attendait, mais ça fait mal au cœur tout de même.
Voilà une guêpe qui a la taille de guêpe ! Toute noire avec une pilosité blanche et les ailes fumées, elle est facile à reconnaître. On l’aperçoit souvent sur les panicauts, qu’elle affectionne particulièrement, et aussi sur les asters, la verge d’or, la menthe, les mélilots, le lierre, les sedums…
C’est une grande chasseuse de sauterelles qu’elle capture pour nourrir ses larves. Elle fréquente volontiers les hôtels à insectes et trahit sa présence par l’habitude qu’elle a d’obturer avec des brins d’herbes sèches l’orifice de la cavité dans laquelle elle a établi son nid.
Cette belle mexicaine est arrivée dans le Sud de la France vers 1960. Elle a profité de la canicule de 2003 pour s’étendre et est maintenant présente un peu partout en France sauf peut-être dans l’extrême Nord.
Celui-là , avec son allure de guêpe et sa couronne sur le front, il est facile à identifier. C’est le philanthe des abeilles, et c’est même un mâle avec son beau trident. La femelle a un motif un peu différent, à deux dents seulement. Ce mâle perché sur un buisson défendait son territoire, pas très loin du terrier de sa femelle.
Le philanthe a capturé puis paralysé une abeille domestique, en la piquant sous le thorax avec son aiguillon. Il aura pris soin de vider le jabot de l’abeille, pour assurer la bonne conservation de sa proie. Puis, il la transporte par la voie des airs jusqu’à son terrier. Chacune de ses larves consommera plusieurs abeilles. On estime qu’un philanthe peut capturer une centaine d’abeilles pendant la belle saison.
Le philanthe dépose dans les cellules du couvain une substance, secrétée par ses glandes antennaires, qui contient des bactéries symbiotiques. Celles-ci protégeront les cocons des micro-organismes pathogènes, jusqu’à l’émergence de la nouvelle génération au printemps suivant.
Les philanthes ne sont pas les seuls hyménoptères à capturer des abeilles. Les abeilles domestiques sont aussi au menu du frelon asiatique, mais également du frelon européen. Certains Cerceris, genre proche des philanthes, chassent des abeilles solitaires de différentes espèces (halictes, andrènes, lasioglosses…).
Ces plantes carnivores des tourbières américaines mangeraient les frelons asiatiques ! Ce sont les jardiniers de Nantes qui le disent. Il fallait en avoir le cœur net.
Alors, Romaric, qu’est-ce que c’est que cette histoire de frelons ? (Romaric Perrocheau est le directeur du Jardin des plantes de Nantes). Regarde, Gilles : au fond du tube de cette feuille de sarracenia, on distingue trois cadavres de frelon asiatique et quelques restes de mouches, totalement digérés par la plante.
On a découvert cette particularité en observant ces plantes lors d’une séance d’animation. Et l’étude conduite avec le Muséum d’histoire naturelle nous le confirme : sur 200 feuilles disséquées, nous avons compté 600 frelons asiatiques et 600 mouches, et pas une abeille !
Le frelon est attiré par l’odeur spéciale de la plante, il tente de récupérer un peu de nectar à l’entrée du pavillon et glisse irrémédiablement jusqu’au fond du tube qui est trop étroit pour qu’il puisse en réussir l’escalade. Sa digestion par les sucs de la plante fournit à celle-ci les éléments nutritifs qu’elle ne peut tirer du sol.
Dommage que cette plante américaine nécessite des conditions de culture très particulières : elle ne vit que dans les tourbières. Mais peut-être que sur son modèle, on saura bientôt réaliser des pièges synthétiques aussi parfaits que nature ?
Le frelon asiatique est arrivé en Val d’Oise, c’est officiel depuis ce printemps.