Ma mission : intéresser un groupe de lycéens à la nature et à la photographie. Après quelques conseils de cadrage et de composition donnés en salle, nous voilà partis à la recherche de sujets d’inspiration.
Ces belles galles de chêne, peut-être ? (Mais où vont-ils comme ça ?)
La trace de la tenthrède zigzag a plus de succès. On essaie les smartphones sur ce sujet. Le contrejour donne des résultats jugés « classe ».
Les bédégars sur les églantiers mettent en évidence les difficultés de mise au point d’un sujet plus en volume. Mais que cette matière végétale est fascinante !
Devant l’incrédulité générale, démonstration est faite que cette plante aux ombelles sèches est bien une carotte sauvage : l’arrachage collectif, digne de la légende d’Excalibur, a permis de vérifier que la grosse racine allongée sent bien la carotte !
Andricus est un genre d’hyménoptère Cynipidae qui forme des galles sur différentes parties des chênes : feuilles, branches, chatons, racines ou fruits. Chaque espèce est responsable de galles aux formes particulières. Les larves de ces insectes se développent à l’intérieur de ces galles.
Il existerait plus d’une centaine d’espèces d’hyménoptères Cynipidae gallicoles inféodées aux chênes, dont au moins une douzaine d’espèces du genre Andricus. Voici les galles de quatre espèces du genre Andricus que j’ai trouvées en Ile-de-France :
Andricus fecundatrix déforme les bourgeons.
Andricus quercuscalicis s’en prend aux cupules et aux glands.
Les galles d’Andricus kollari sont situées sur les rameaux. Le trou de sortie de l’insecte adulte est bien visible sur l’une de ces galles.
Andricus grossulariae, plus rarement observé en Ile-de-France, déforme les cupules.
Retrouvez d’autres articles sur les galles des chênes :
En prospection dans l’espace naturel des Noirs marais à Osny, j’ai repéré un gros hyménoptère figé dans une posture inhabituelle. à‰tait-il victime d’une araignée ?
Vu la taille, c’est un frelon. Et l’extrémité des pattes n’est pas jaune : il s’agit d’un frelon européen, et pas d’un frelon asiatique. Mais que fait-il ainsi immobile, suspendu par une patte à une fleur de berce commune ?
Ce frelon a capturé une guêpe et s’est posé avec sa proie. J’ai déjà observé à plusieurs reprises un frelon européen suspendu par une patte, affairé sur une proie, mais c’est la première fois que j’arrive à photographier la scène.
Mais mange-t-il cette guêpe ou bien la prépare-t-il pour emmener le meilleur morceau (le thorax riche en muscles) au couvain dans son nid ?
A quelques mètres de là , je trouve un indice : l’abdomen d’une guêpe abandonné sous une fleur de berce.
Les spécialistes des frelons disent que les frelons adultes ont une alimentation essentiellement riche en sucres, qu’ils trouvent dans la sève des arbres blessés, le nectar des fleurs, le miellat des pucerons et en fin d’été les fruits mà»rs.
Les proies capturées seraient majoritairement destinées aux larves. Le frelon européen chasse de gros insectes : des mouches, des chenilles (proies faciles !), des guêpes, des papillons, parfois des abeilles.
Serait-ce une guêpe qui butine ainsi les fleurs de l’angélique des bois ?
M’approchant, je constate que ce n’est pas une guêpe
Cet abdomen à l’aspect boudiné est typique des Cerceris, dans la famille des Crabronidae. Celui-ci avec du noir sur la base de ses pattes et ses antennes noires, c’est Cerceris rybyensis, l’une des espèces les plus communes du genre. On voit butiner cette belle espèce sur la carotte sauvage, la berce commune et d’autres Apiaceae, l’achillée mille-feuille, le souci, le chardon des champs…
La femelle de cet hyménoptère solitaire creuse un terrier au sol et y entrepose des proies paralysées comme nourriture pour ses larves. Elle est sélective pour le choix de ses proies : elle ne capture que des abeilles sauvages de la famille des Halictidae.
A quoi cela ressemble, un Halictidae ?
Sur une fleur d’Helichrysum barcteatum (immortelle) dans un jardin, voici Halictus scabiosae. Cet Halictidae commun est facile à observer sur les fleurs des Asteraceae. Ici c’est un mâle : ses pattes ne sont pas équipées de brosses pour la collecte du pollen destiné aux larves. C’est Madame qui fait les courses.
Le parc des Noirs marais est un espace naturel humide au cœur de la ville d’Osny. L’endroit a fait l’objet d’une réhabilitation en 2016 et 2017 par la commune qui assure son entretien selon un plan de gestion réalisé par un bureau d’études spécialisé. Sachant que la ville d’Osny souhaite inventorier la faune et la flore de cet espace, je m’y suis rendu pour participer au recueil des données d’observations.
Papillons de jour, gros et petits…
Qui butine l’eupatoire en fleurs ? C’est la Belle-dame, un infatigable migrateur.
Et voici l’azuré des nerpruns, intéressé par les salicaires qui poussent dans le fossé.
Cette bardane au bord du chemin qui longe le talus de la voie ferrée est visitée par le brun du pélargonium. Sa chenille vit aux dépens des pélargoniums des balconnières des riverains ou des jardinières de la ville. Cette espèce nous est arrivée dans les années 1980, en provenance d’Afrique du Sud, la patrie d’origine des pélargoniums.
Les ombelles de la berce, paradis des mouches !
La berce commune au nectar généreux est très visitée par les mouches. Les larves de cette élégante Graphomya maculata vivent dans la boue du bord des mares et sont des prédatrices d’autres larves.
La volucelle zonée est une très grosse mouche qui parasite les nids d’hyménoptères sociaux, comme les guêpes et les frelons. D’ailleurs ne ressemble-t-elle pas à un frelon ?
Syrphus ribesii est un bon auxiliaire au jardin, car ses larves dévorent les pucerons. C’est le cas de beaucoup d’espèces de syrphes.
Les larves de Myatropa florea apprécient les eaux très chargées en matière organique comme celles qui stagnent dans les cavités des vieux arbres. Le dessin sur le dessus de son thorax lui vaut son surnom de mouche batman ou syrphe tête de mort.
Et ceux deux-là ? Ce ne sont pas des mouches, mais des hyménoptères. La toute petite à gauche est une abeille sauvage indéterminée et la fausse guêpe est une tenthrède, Tenthredo marginella ou une espèce proche Tenthredo thompsoni, dont les fausses chenilles mangent les feuilles du lycope, une lamiacée des milieux humides.
Les Chrysididae forment une grande famille : 3000 espèces dans le Monde, plusieurs centaines en Europe, et si l’on en croit l’INPN, seulement 4 en Ile-de-France. Je soupçonne une sous-estimation qui pourrait être la conséquence de la grande méconnaissance de ces insectes. La détermination des espèces de cette famille est en effet très difficile d’après photo, car elle repose sur des détails très fins, visibles seulement avec l’insecte en main et une loupe à fort grossissement.
Aussi, je me suis fait une raison, chez les Chrysididae, j’en resterai à la famille. Cela ne m’empêche pas de m’émerveiller devant l’incroyable beauté de ces petites guêpes et de partager avec vous le plaisir de les contempler :
Celle-ci présente des épines au derrière. Elle est peut-être du genre Chrysis.
En voici une autre avec un thorax bicolore.
Bicolore aussi, mais pas les mêmes couleurs.
Les Chrysididae sont des guêpes-coucous : elles pondent dans les nids d’autres hyménoptères. Leur larve dévore la larve du locataire légitime et aussi ses provisions ! Pour observer les Chrysididae, il faut les chercher près des nids de leurs victimes potentielles : dans les joints en terre des vieux murs, par exemple. Sur les talus et les sols sableux, on repèrera les terriers des abeilles solitaires, et sur les troncs il faut surveiller les trous de sortie des galeries de coléoptères xylophages réutilisées par de petites espèces d’hyménoptères. Bien sà»r, les hôtels à insectes sont aussi de très bons endroits pour traquer les guêpes coucous !
Parfois, les guêpes coucous se font attaquer lors de leurs manœuvres d’approche des terriers. La face inférieure concave de leur abdomen leur permet alors de se rouler en boule et de se protéger ainsi des ardeurs des assaillants.
Certaines espèces échappent à ce risque d’incidents violents par un habile stratagème, digne du cheval de Troie ! Elles pondent sur les proies que leur hôte capturera pour approvisionner ses larves. C’est ainsi que l’espèce Omalus aeneus a été vu en ponte sur des pucerons. Or Omalus aeneus est la guêpe coucou d’hyménoptères du genre Pemphredon qui entassent des pucerons dans leur nid (creusé dans une tige à moelle) pour nourrir leurs larves. L’oeuf de la guêpe coucou est introduit dans le nid par l’hyménoptère victime lui-même avec ses provisions. Machiavélique, non ?
Le long d’une sente ensoleillée à Poissy pousse en abondance le millepertuis perforé (Hypericum perforatum). « Perforé de mille trous » nous dit son appellation vernaculaire. Mais sont-ce vraiment des trous, tous ces points clairs sur les feuilles? Non, ce sont des vésicules huileuses qui laissent un peu passer la lumière.
Cette chrysomèle noire à taches orange est très classique sur le millepertuis, il s’agit de Cryptocephalus moraei. Elle est commune mais discrète : farouche, elle se cache rapidement sous les feuilles ou derrière la tige dès qu’un individu louche approche !
Une autre chrysomèle tout aussi timide se cache sur cette plante : Chrysolina hyperici. Elle est nettement moins commune que la précédente.
Cette espèce a été introduite en Amérique du Nord pour lutter contre la prolifération dans les pâtures de notre millepertuis considéré là -bas comme une plante invasive, toxique pour le bétail.
Cette fausse chenille en revanche était facile à voir. Elle était trop occupée à manger sa feuille de millepertuis pour s’inquiéter de la présence d’un photographe. Avec une telle ligne centrale de points noirs tout le long du dos, pas de doute, c’est Tenthredo zona, une espèce peu observée, à la répartition bien mal connue. Cette année, je l’ai vue aussi près du chalet nature de l’Ile de loisirs de Cergy-Pontoise.
Au bord de l’Oise à Vauréal, les Calopetryx splendens mâles se disputent les nénuphars dont les fleurs en bouton qui sortent de l’eau font de bons perchoirs. Celui-ci avait pris position au sommet d’une branche d’un rejet d’orme. La photo est ratée, mais elle réserve une surprise. Regardez la feuille tout en bas à gauche : elle présente une bien curieuse découpe en zigzag.
J’en ai trouvé d’autres :
Et voilà le coupable, à l’évidence c’est une larve de tenthrède :
Une recherche sur internet sur les mots « tenthrède » et « zigzag » m’a fait découvrir Aproceros leucopoda, une espèce d’origine asiatique, inféodée aux ormes. Elle a été découverte en Pologne en 2003, puis signalée dans différents pays d’Europe de l’Est ; elle est arrivée en Belgique en 2013.
Une nouvelle espèce pour l’Ile-de-France ?
La tenthrède zigzag de l’orme a été observée pour la première fois en France en mai 2017 dans le Nord, près de la frontière belge. Sa présence a été attestée dans l’Oise le 31 mai 2018.
Mon observation est peut-être la première pour cette espèce en Ile-de-France. Voilà un insecte qui semble bien se moquer du réchauffement climatique : il nous arrive par le Nord !
Les suivis de ce ravageur invasif en Allemagne ont montré que l’espèce s’attaque aussi aux cultivars résistants à la graphiose. Apparemment cette tenthrède est capable de défolier complètement les ormes en fin de saison ! Ils n’avaient pas besoin de ça.
En explorant méthodiquement les branches basses d’un chêne, j’ai trouvé une drôle de chenille blanche toute plissée !
Vue de tout près, elle semble verte et recouverte d’une couche de poudre blanche. En plus de ses trois paires de pattes thoraciques, elle est dotée de deux rangées de fausses pattes abdominales. Elle m’en montre au moins six, ce qui confirme mon impression : ce n’est pas une chenille, mais une larve de symphyte, autrement dit une fausse chenille. Adulte, elle sera un hyménoptère, et pas un papillon.
Apethymus fifliformis est l’une des espèces de symphytes que l’on peut rencontrer sur les chênes. Mais elle est très peu observée, peut-être est-elle rare, ou simplement discrète ? Ou alors, peut-être que ce sont les naturalistes qui retournent les feuilles des chênes au mois de mai qui sont rares ?
Retrouvez nos articles sur les larves de symphytes :