De loin, en vol, je l’avais pris pour une chrysope. Sur le parvis de La Défense, ce n’était pas banal. L’insecte a fini par se poser sur un olivier en bac. Ce prétendu chrysope s’avère être en fait un papillon de nuit. Les antennes tenues droit devant et sa belle moustache m’orientent vers la famille des Ypsolophidae.
Ypsolopha mucronella est un des rares papillons que l’on peut voir voler en plein hiver : le pic d’observation est entre février et avril. Sa chenille consomme les feuilles de différentes espèces de fusains. Quelques massifs de fusains couvre-sols et arbustifs dans les jardinières à proximité expliquent la présence de ce papillon de nuit.
Atelier de formation Florilèges prairies à Cergy-Pontoise (image du site http://www.florileges.info/)
Florilèges prairies est un programme de sciences participatives sur la connaissance botanique des prairies urbaines. Il s’adresse aux gestionnaires d’espaces verts et naturels. Ses co-fondateurs sont Plante et Cité, le Muséum national d’Histoire naturelle, Natureparif, l’Observatoire Départemental de la Biodiversité Urbaine de Seine-Saint-Denis et le Conservatoire Botanique National du Bassin Parisien.
Comme chaque année, les participants ont été conviés à une réunion de restitution : plus de 60 personnes étaient présentes lors de la journée du 6 décembre 2016 au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris pour s’informer des résultats du protocole.
276 prairies ont été suivies par leurs gestionnaires en 2016 en France. Sur Cergy-Pontoise, cela a concerné le parc François-Mitterrand à Cergy, le verger du parc de Grouchy à Osny et quatre sites à Vauréal.
Le protocole permet de mesurer des indicateurs de la qualité des prairies, parmi lesquels la typicité (pourcentage d’espèces typiques des prairies) et la richesse spécifique (nombre d’espèces du guide d’identification observées dans le cadre du protocole).
L’analyse sur plusieurs années d’un grand nombre de relevés et les retours d’expérience permettent de tirer les enseignements suivants :
Comment favoriser une prairie typique ?
Il faut surtout éviter la fauche précoce, et ne pas faucher plus de deux fois par an. En pratique, il faut s’abstenir de faucher en avril, mai et juin pour permettre la montée à fleurs et la production de graines des espèces prairiales.
Comment favoriser la biodiversité des prairies ?
Les prairies typiques ne présentent pas de végétaux ligneux et leur hauteur est de l’ordre d’un mètre. Une seule fauche par an, en automne, est le meilleur moyen d’assurer le bon déroulement du cycle de vie des habitants des prairies.
Ne pas faucher en avril, mai et juin permet notamment d’épargner les couvées des oiseaux nichant au sol et la reproduction de nombreux insectes.
Le pâturage a un effet positif sur les papillons spécialistes. Mais en cas de surcharge, il peut avoir des effets négatifs sur la biodiversité.
L’exportation des produits de fauche est à privilégier pour les prairies installées sur un sol naturellement pauvre (cas des pelouses à orchidées par exemple) afin de ne pas enrichir ce sol, ce qui favoriserait des espèces plus banales au détriment des espèces patrimoniales.
Instaurer une zone de refuge sans intervention dans chaque prairie et changer son emplacement chaque année facilite la survie de nombreuses espèces.
Je vous présente Hypena rostralis, surnommé « le Toupet » (le bien nommé !). Cela fait une semaine qu’il squatte sans vergogne l’escalier de ma cave. Cette espèce fait partie de ces bestioles qui rentrent aux premiers coups de froid dans les maisons, à défaut d’arbres creux, et cherchent un coin tranquille pour passer l’hiver. A la belle saison, il retournera dehors. Ses chenilles vertes mangent les feuilles des orties ; elles peuvent manger toutes celles de mon jardin, si elles veulent. Ce papillon de nuit a deux générations par an, à la fin du printemps et en automne.
Et la situation est alarmante : sur les 135 espèces répertoriées pour l’Ile-de-France, 18 ont disparu et 33 sont menacées. Alors que faire pour préserver les papillons ? Bien gérer les réserves naturelles est indispensable pour sauver les espèces rares en danger, mais cela ne suffit pas. Il faut aussi restaurer les zones dégradées, aménager des corridors écologiques pour les papillons et diffuser largement les bonnes pratiques de gestion.
La plupart des espèces de papillons menacées en Ile-de-France vivent dans les espaces herbeux, les enjeux de conservation sont donc là . Le pâturage bien conduit permet de lutter contre le boisement des prairies et peut être un excellent moyen de maintenir ces espaces ouverts et riches en papillons. La fauche tardive avec des espaces refuges est aussi un procédé favorable. Et bien sà»r, il faut s’abstenir de recourir aux pesticides. N’oublions pas aussi que la gestion différenciée appliquée à la parcelle renforce toujours le potentiel de biodiversité : un coin de nature sauvage dans chacun de nos parcs, de nos squares et de nos jardins (publics et privés), voilà qui serait vraiment utile aux papillons.
Lasiommata maera, l’Ariane, est classé AR (assez rare) en Ile-de-France. Il a été photographié dans le jardin du CAUE 95, au moulin de la Couleuvre à Pontoise. Cette espèce aime les expositions chaudes et les escarpements rocheux.
Aphantopus hyperanthus, le Tristan, est classé AC (assez commun). C’est une espèce forestière.
Ces trois papillons font partie des 52 espèces de la catégorie LC (préoccupation mineure) qui rassemble les papillons les moins menacés pour notre région.
Vous les avez sà»rement déjà rencontrés dans les prairies sèches, ces petits lourdauds brillamment colorés. Ce sont les Zygenidae, ils forment une famille parmi l’ordre des lépidoptères. Zygaena carniolica, la zygène du sainfoin est présente dans le Val d’Oise, en quelques stations localisées. Cette espèce très rare en Ile-de-France est en danger. J’ai observé cet individu en juillet 2016 dans la Réserve naturelle nationale des coteaux de la Seine à La Roche-Guyon. On peut rencontrer sa chenille sur le sainfoin, le lotier, l’anthillide et le dorycnium.
Seize espèces de zygènes sont susceptibles d’être observées en Ile-de-France, mais la plupart sont rares. On attend la sortie, dans quelques jours, de la liste rouge des rhopalocères (papillons de jour) et zygènes d’Ile-de-France, qui nous donnera beaucoup d’informations sur le statut des 135 espèces répertoriées pour notre région. Je vous en reparlerai.
Chez cette espèce, c’est la jeune chenille qui passe l’hiver, bien cachée dans un cocon tissé entre deux feuilles de buis appliquées l’une contre l’autre. Elle se réveillera au printemps pour reprendre sa croissance. Comme elle entre en diapause, elle ne se nourrit plus en hiver. Il serait donc inefficace de la traiter pendant cette saison avec du Bacillus thuringiensis, car ce produit de traitement biologique n’agit que lorsqu’il est ingéré par la chenille.
Les papillons parents de cette dernière génération étaient présents fin septembre.
Le papillon de la pyrale du buis existe sous deux formes : une forme bicolore et une forme brune. A noter que la forme brune conserve le petit triangle blanc sur l’aile antérieure. C’est un papillon de nuit, mais on l’aperçoit souvent en journée.
Malgré sa couleur brune, cette chenille, probablement du genre Eupithecia, passe facilement inaperçue sur cette tige d’aster. Prenant appui sur ses dernières fausses pattes abdominales, elle s’étire et rassemble ses vraies pattes sous sa tête, prenant la forme d’un rameau terminé par un bouton floral. L’angle d’incidence sur la tige, parfaitement bien imité, trompe nos sens. Cette attitude permet sans doute à la chenille d’échapper à quelques prédateurs. Cette espèce fait partie de la famille des Geometridae dont les chenilles sont arpenteuses.
Les prairies du parc François-Mitterrand à Cergy ont perdu leurs superbes floraisons de juin, mais les compositions ont encore du charme. Aux fleurs ont succédé les graines, prêtes à accomplir le cycle de la vie.
Ne vous y trompez pas, ces herbes sèches accueillent encore toute une petite faune. Voici la sylvine, un papillon de nuit de la famille des Hepialidae, dont la chenille mange les racines des plantes herbacées.
Pour déterminer les diptères, l’observation détaillée des nervures des ailes, des antennes et des pattes est importante. Ici, ces grosses lunules blanches sur l’abdomen noir et les taches sous l’abdomen ne laissent guère de doute sur l’espèce.
Ne dit-on pas que les rayures longitudinales affinent la silhouette ? Cette araignée crabe en embuscade le long d’une tige vient de capturer un chrysope. Elle appartient à la famille des Philodromidae et est fréquente dans les prairies.
Voici un de ces papillons de nuit qui vole aussi le jour. Le géomètre à barreaux est commun dans toute la France. Il est « à barreaux » à cause des dessins géométriques plus ou moins foncés qui ornent ses ailes. Et c’est un géomètre (de la famille des Geometridae) parce que sa chenille progresse en arpenteuse. Cette technique très efficace consiste à avancer alternativement l’avant du corps puis à rapprocher l’arrière.
Sa chenille consomme les trèfles, la luzerne et d’autres Fabacaea comme Vicia cracca. On le voit souvent au bord des champs. Le papillon est très présent en mai et juin pour la première génération puis en aoà»t et jusqu’en septembre pour la deuxième.
Oh, la gourmande ! Elle a fait un gros trou dans une framboise mà»re de mon jardin. Comme elles ne sont pas trop nombreuses à avoir ce look en rose et vert, les lépidoptéristes du forum Le monde des insectes ont facilement reconnu Celastrina argiolus, l’azuré des nerpruns.
Celastrina argiolus est un papillon de la famille des Lycaenidae. Ses ailes sont bleues bordées de noir sur le dessus, et leur revers est gris parsemé de quelques petits points noirs.
Les chenilles de la génération de printemps se nourrissent surtout sur le cornouiller sanguin et le houx. Celles de la génération estivale sont plutôt sur le lierre. Elles ne dédaignent pas non plus le buis, la ronce, le framboisier, le buddleia, l’ajonc, le robinier, le baguenaudier, le nerprun, les genêts, la callune, la salicaire, la bourdaine, la myrtille, le fusain, le galéga, la coronille variée… Le papillon est aussi commun que peuvent l’être ses plantes hôtes et est présent dans toute la France.
Cornouiller, houx, lierre : vous l’aurez deviné, l’azuré des nerpruns est un habitué des lisières de boisement.