Malgré ses allures de guêpes avec son corps élancé et ses couleurs vives, cet insecte est bien une abeille. C’est même une abeille-coucou. C’est une abeille parasitoà¯de qui, comme le coucou chez les oiseaux, pond ses œufs dans le nid d’autres abeilles (notamment les Andrènes) et dont la larve consomme les ressources mises à disposition des larves initiales et parfois même les larves elles-mêmes.
Parmi les abeilles-coucous, le genre Nomada, en photo ici, est celui qui est le plus représenté, avec plus d’une centaine d’espèces en Europe. Sur image l’identification s’arrêtera au genre. La détermination de l’espèce demande une observation minutieuse (à la loupe !) de plusieurs détails du corps de l’insecte.
Le nom « Nomada » vient certainement du comportement des femelles, sans cesse en mouvement. On peut en effet les observer parcourir les pelouses et les terrains nus, au ras du sol, à la recherche d’un nid à occuper.
Les adultes, mâles et femelles, se nourrissent de nectar. Ils participent ainsi à la pollinisation d’espèces variées de plantes. On les rencontre fréquemment dans les collections SPIPOLL, et sont relativement facile à reconnaître grâce à leurs teintes franches de rouge, noir, jaune et blanc.
Lors d’une animation organisée par la Maison de la nature de Vauréal dans le jardin des Taillis, j’ai découvert cette chenille sur une feuille d’érable sycomore. Elle est facile à reconnaître avec ses touffes de poils bruns et jaunes. C’est la noctuelle de l’érable, Acronicta aceris. L’adulte est un papillon de nuit de couleur grise.
En observant de près, on voit quelques fils de soie qui brillent au soleil sur la feuille.
Cette chenille n’est pas en forme, elle ne bouge pas et semble même couver un œuf tout blanc : quelle est donc cette étrangeté ?
Pour en avoir le cœur net, je découpe la feuille précautionneusement, et je place le tout dans une boîte d’élevage.
Quelques semaines ont passé. Un hyménoptère est né de ce cocon, puisqu’il s’agissait bien de cela.
Un Braconidae parasitoà¯de avait pondu dans cette chenille. Sa larve, au terme de son développement à l’intérieur du corps de la chenille, était sortie pour tisser contre la dépouille de son hôte, ce cocon blanc qu’elle a fixé à la feuille par un réseau de fils de soie.
Et voici le coupable ! Chez les Braconidae, les femelles sont pourvues d’un ovipositeur pour la ponte, de taille variable selon l’espèce. Je ne vois pas d’ovipositeur, c’est probablement un mâle. La nervation des ailes m’amène à la sous-famille des Microgastrinae (2500 espèces décrites), peut-être du genre Protapanteles ?
Retrouvez d’autres reportages sur des chenilles parasitées :
Un gracieux hyménoptère rouge et noir aux longues antennes est venu se poser sur ma main au bureau. Le temps de sortir l’appareil pour le photographier, il avait disparu !
Ce n’est que trois jours plus tard que j’ai fait le rapprochement avec ce cocon dans un bocal d’élevage que j’avais un peu oublié sur le dessus de l’armoire.
C’est bien ce que je craignais, quelqu’un a fait un trou dans le voile de fermeture du bocal pour s’échapper ! A l’intérieur, il reste un cocon troué et quatre hyménoptères moins futés qui n’ont pas trouvé la sortie. Mais même morts, ils vont me permettre de tenter une identification.
J’ai aussi retrouvé une femelle, morte au bas de la fenêtre du bureau !
La femelle a un aiguillon au bout de l’abdomen, c’est l’ovipositeur qui lui sert à insérer ses œufs dans sa victime, en l’occurrence une chenille. C’est bien d’avoir une femelle pour la détermination parce que la taille de l’ovipositeur est un critère important. Pour un Ichneumon, son ovipositeur est assez court. J’ai regardé dans le site Taxapad, la référence mondiale des hyménoptères parasitoà¯des de chenilles, qui m’avait déjà servi dans une autre enquête à démasquer le coupable d’une scène de crime dans ma véranda.
Dans Taxapad, pas moins de 31 espèces d’Ichneumonidae sont référencées comme parasites du bombyx du chêne. Je prends le temps de comparer les photos des femelles de chacune de ces espèces avec ma femelle. Il y en a des jaunes, des rousses, des noires, des maigrichonnes, d’autres avec de très longs ovipositeurs. Agrothereutes leucorhaeus, vraiment ressemblant, semble le coupable désigné. L’espèce est bien présente en France, mais rarement observée. Peut-être s’agit-il d’une espèce proche ? L’Inventaire National du Patrimoine Naturel répertorie 6 espèces d’Agrothereutes pour lesquelles quelques rares données existent en France métropolitaine, et dont on sait fort peu de choses, alors qu’il s’agit d’auxiliaires qui régulent efficacement les ravageurs des arbres forestiers.
Les ichneumons fraichement émergés ont fait trois trous de sortie. Je me lance dans la dissection le carnage du cocon.
A l’intérieur du cocon parasité, aucune trace de chrysalide, on ne distingue qu’un amas aggloméré de petits cocons blonds fabriqués par les larves des ichneumons qui ont mangé toute la chenille. Je compte une bonne dizaine de petits cocons vides. Faisons les comptes : 4 morts au fond du bocal, un visiteur sur ma main, une femelle près de la fenêtre. Il en manque… Je décide de ne pas en parler aux collègues de l’étage.