L'actualité de la Nature

Exploration sous les écorces de platane

Premières nuits fraiches : nombre d’insectes se mettent en quête d’abris pour passer l’hiver. Et les écorces des platanes qui se décollent des troncs fournissent des abris de grande qualité à  de très nombreux espèces.

Platane - Cergy © Gilles Carcassès
Platane – Cergy © Gilles Carcassès

En jetant un œil dans leurs cachettes, je peux découvrir des espèces difficiles à  observer ordinairement car elles sont discrètes dans leurs activités aux beaux jours.

Sous l'écorce du platane © Gilles Carcassès
Sous l’écorce du platane © Gilles Carcassès

Ces deux punaises allongées sont des Arocatus, à  ne pas confondre avec les gendarmes. Elles aiment bien consommer les fruits des platanes en haut des arbres. Avec elles, se trouve un Oulema. Ce petit coléoptère de la famille des chrysomèles vit, lui, au ras du sol ; il consomme les feuilles des graminées. Les petites billes rouges dans les crottes de cloportes sont des acariens.

Rhyparochromus vulgaris © Gilles Carcassès
Rhyparochromus vulgaris © Gilles Carcassès

Cette autre punaise consomme toutes sortes de végétaux dans les prairies. On rencontre parfois ces punaises dans les maisons l’hiver, où elles arrivent avec les bà»ches approvisionnées pour le feu de cheminée. Avec la chaleur, elles se réveillent et sortent des fissures où elles comptaient passer l’hiver tranquilles.

Harmonia quadripunctata © Gilles Carcassès
Harmonia quadripunctata © Gilles Carcassès

Tiens, une coccinelle endormie ! C’est Harmonia quadripunctata, une espèce qui se nourrit des pucerons inféodés aux pins, aux sapins et aux épicéas.

D’autres habitants derrière les écorces du platane

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Laine de cire

De petites boules laineuses sont accrochées sur une branchette d’aulne, au bord de l’eau, à  l’Ile de loisirs de Cergy-Pontoise. Sà»rement les étoupes légères des graines de peupliers qui se sont collées là  avec la rosée.

Mais ce n’est pas ça : ces boules se déplacent, et même, elles ont des pattes !

Psylla alni - Cergy © Gilles Carcassès
Psylla alni, le psylle de l’aulne – Cergy. © Gilles Carcassès

Nous sommes devant une petite colonie de psylles, insectes proches des pucerons, et cette laine est constituée de filaments de cire sécrétés par ces animaux. Curieuse stratégie que de se promener avec une chose aussi voyante sur le dos !

Après tout, je m’y suis bien trompé, les mésanges aussi peut-être ?

l’arboretum de Cergy-Pontoise, nous faisons une observation semblable sur une feuille de ronce. Cette fois-ci, c’est sans doute une autre espèce, le psylle de la ronce.

Psylle sur une ronce - Cergy © Gilles Carcassès
Psylles sur une ronce – Cergy © Gilles Carcassès

En soufflant doucement, je dégage les petites larves poilues qui sucent la sève de la plante. On voit les ébauches des futures ailes qui équiperont les adultes, et les filaments de cire qui sortent de leur abdomen.

Larves de psylle - Cergy © Gilles Carcassès
Larves de psylle – Cergy © Gilles Carcasses

Des pucerons de plusieurs espèces fabriquent aussi de la cire, comme ces larves de Pemphigus qui habitent dans une galle sur le pétiole d’une feuille de peuplier. La cire pulvérulente qui se détache de leur abdomen enrobe leur miellat, ce qui forme ces sphères liquides. Ainsi, la colonie ne nage pas dans ses excréments et reste bien au sec.

Pemphigus : adultes aillées et larves lanigères © Gilles Carcassès
Pemphigus : adultes aillés et larves lanigères © Gilles Carcassès
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Qui a peur des gendarmes ?

Quand j’étais gamin, à  l’époque de la rentrée scolaire, je ramassais les gendarmes que je trouvais au pied des tilleuls de la cour de récréation et je les gardais dans des boîtes. J’aimais bien les grands maigres avec leur masque africain sur le dos et aussi les petits dodus qui les accompagnent. Depuis, j’ai appris qu’il ne faut pas les mettre en boîte, car rien ne prouve qu’ils aient le sens de l’humour.

Les gendarmes se prélassent au soleil sur un tronc de tilleul- Cergy © Gilles Carcassès
Une troupe de gendarmes se prélasse au soleil sur un tronc de tilleul – Cergy © Gilles Carcassès

Les adultes sont faciles à  reconnaître avec leur motif rouge et noir qui rappelle les costumes des anciens gendarmes. Les autres sont des larves. Au cours de leur croissance, les larves effectuent plusieurs mues successives ; les plus âgées vont se transformer en adultes.

Le gendarme vient de sortir ses antennes © Gilles Carcassès
Pyrrhocoris apterus, mue imaginale © Gilles Carcassès

En quelques minutes, l’insecte adulte s’extrait alors de l’enveloppe de la larve, qui s’est fixée à  une brindille. Sur cette photo, l’adulte vient de sortir ses pattes et d’extraire ses antennes. A leur extrémité, on distingue l’enveloppe de la tête de la larve, avec ses deux yeux désormais vides, qui paraissent blancs, et ses antennes noires.

Le tout jeune gendarme adulte n’a pas encore pris ses galons et il est encore un peu mou. Les motifs noirs vont apparaitre progressivement au fil des heures, et ses téguments vont durcir.

Pyrrhocoris apterus, jeune adulte © Gilles Carcassès
Pyrrhocoris apterus, jeune adulte © Gilles Carcassès

Je sens poindre votre question : faut-il se méfier des gendarmes ?

Les rassemblements de gendarmes, bien que spectaculaires, sont parfaitement inoffensifs. Ces punaises se régalent de graines de tilleul. Elles fréquentent aussi les mauves, les roses trémières et d’autres plantes à  l’occasion, dont elles sirotent la sève à  l’aide de leur rostre allongé.

Gendarme sur un fruit de tilleul - Cergy Grand centre © Gilles Carcassès
Le gendarme apprécie les fruits du tilleul – Cergy Grand centre © Gilles Carcassès

Les gendarmes ne font jamais de gros dégâts aux cultures ; il leur arrive même de neutraliser quelques pucerons. Ils ont leur place dans la nature et ne nous causent aucun désagrément : alors, protégeons et aimons nos amis les gendarmes !

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Tu es sà»r de la couleur ?

La larve de Nezara viridula © Gilles Carcassès
Jeune larve de la punaise verte, Nezara viridula – Pontoise © Gilles Carcassès

On me demande souvent le nom de cette bestiole noire à  points blancs. Et ma réponse « la punaise verte » laisse dubitatif. C’est qu’avant d’atteindre sa forme adulte uniformément verte, les larves de cette espèce arborent d’autres couleurs et n’intègrent le vert qu’à  la fin de leur croissance.

Nezara viridula sur une feuille de bryone © Gilles Carcassès
Nezara viridula au dernier stade larvaire sur une feuille de bryone © Gilles Carcassès

Nezara viridula, originaire d’Afrique orientale, a des mœurs sexuelles intéressantes. Les deux sexes communiquent jusqu’à  deux mètres de distance par des vibrations, transmises par les plantes. La femelle est aussi sensible à  des phéromones émises par le mâle. C’est le cas inverse des papillons nocturnes dont les mâles sont équipés d’antennes pectinées pour localiser les femelles.

L’expansion de la punaise verte est liée au changement climatique. Il a été prouvé que cette progression est favorisée par les hivers doux.

Sources :

Une thèse (INRA) sur le changement climatique et la biodiversité

Les scientifiques étudient le chant de la punaise verte

Belles planches de larves

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Les pinces de la mort

Mante religieuse - Menucourt © Gilles Carcassès
Mante religieuse – Menucourt © Gilles Carcassès
Phymata crassipes en plein casse-croà»te sur une ombelle© Gilles Carcassès
Phymata crassipes, la punaise guitare, surprise en plein casse-croà»te sur une ombelle © Gilles Carcassès

Phymata crassipes paralyse ses proies et aspire leur contenu liquéfié avec son rostre.

Mantispa styriaca sur un prunier © Gilles Carcassès
Mantispa styriaca sur un prunier © Gilles Carcassès

Cette crotte d’oiseau n’en est pas une, c’est une mantispe à  l’affut. Elle se nourrit des mouches inconscientes qui passent à  la portée de ses pattes. Sa larve ne survit que si elle croise, sans se faire dévorer, le chemin d’une araignée-loup qui transporte son cocon. Subrepticement, elle s’introduit dans le cocon et dévore la future progéniture de l’araignée. Elle se nymphosera à  l’intérieur même du cocon de l’araignée. On comprend mieux pourquoi la mantispe femelle pond 8000 œufs pour assurer sa descendance.

Ces trois insectes ont pour point commun leurs pattes antérieures crochues et ravisseuses. Ils s’en servent pour capturer leurs proies. Pourtant, ces espèces ne sont pas proches dans la classification : la mante est un dictyoptère, la mantispe un névroptère et la punaise guitare appartient à  l’ordre des hémiptères. Au cours de l’évolution, ils ont tous trois développé une adaptation anatomique semblable pour la même technique de chasse : on parle de convergence.

De bien belles photos de Phymata crassipes

La vie étonnante de la mantispe