L'actualité de la Nature

Naissance d’une libellule au parc de Grouchy

Fraîchement sortie de l’exuvie – Osny © CACP – Gilles Carcassès

Au bord de l’étang du parc de Grouchy, je connais un endroit calme très prisé des odonates. Et j’ai eu la chance d’assister à  une émergence. Bien camouflée dans la verdure, cette libellule immature séchait ses ailes. Le matin même, elle était encore une larve au fond de l’eau, avant d’entreprendre l’ascension d’une graminée de la berge pour se nymphoser. On devine la dépouille de la nymphe (exuvie) derrière la feuille qui lui sert maintenant de support.

Orthetrum cancellatum – Osny © CACP – Mathilde Barbosa

En séchant, elle a pris quelques couleurs, et l’on peut avancer un nom : Orthetrum cancellatum femelle. Un geste un peu brusque de ma part : dommage, elle est partie se poser haut dans un arbre !

Orthetrum cancellatum femelle – Cergy © CACP – Gilles Carcassès

Pour comparer, voici une femelle mature de cette espèce vue dans une prairie à  Cergy. J’observe souvent ces femelles chasser les insectes dans les hautes herbes assez loin de l’eau, et les mâles plutôt posés sur la berge, sans doute pour garder le territoire de ponte.

Retrouvez dans nos articles d’autres émergences :

Les demoiselles sont à  la fête

L’aeschne bleue

Naissance d’une cigale

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Comment observer les libellules ?

Les libellules étaient le sujet d’étude d’une quinzaine d’animateurs nature franciliens, réunis à  l’invitation de Natureparif le 28 mai 2015 à  l’Ile de Loisirs de Cergy-Pontoise.

 © Marion Poiret
Les canoà«s mis à  disposition par l’Ile de loisirs de Cergy-Pontoise © Marion Poiret
 © Marion Poiret
« eh salut moi c’est zygoto et le gros bolide à  droite c’est aniso. » © Marion Poiret

Chez les odonates, on distingue très facilement deux sous-ordres :

  • Les demoiselles ou zygoptères ont l’apparence de fines allumettes volantes. Leurs ailes sont jointes sur le dos au repos. Leurs yeux ne se touchent pas.
  • Les libellules vraies ou anisoptères regroupent les grandes « libellules » au vol puissant. Plus larges et trapues que les premières, leurs ailes antérieures et postérieures ne sont pas identiques. Lorsqu’elles sont posées (ce qui est rare pour celles qui chassent en vol), leurs ailes sont positionnées à  l’horizontale ou vers l’avant.

L’observation des libellules peut avoir lieu pendant une grande partie de l’année (entre avril et octobre) à  proximité des points d’eau où elles se reproduisent (mares, étangs, ruisseaux, marais…) Mais certaines périodes et certains endroits sont plus propices que d’autres. Pour préparer votre sortie exploratoire, préférez :

  • Une météo ensoleillée et un vent faible,
  • La présence d’une végétation rivulaire et aquatique dense,
  • Un matin, période favorable aux émergences. L’émergence est la dernière mue pendant laquelle l’individu passe du milieu aquatique  au milieu terrestre.

Quelques connaissances sur leur biologie et leurs comportements sont également nécessaires pour une exploration réussie (période d’accouplement, exigences particulières) : certaines espèces sont inféodées à  certains types de milieux alors que d’autres sont ubiquistes ; elles sont toutes dépendantes de l’eau dans leur stade larvaires.

 © Marion Poiret
A la recherche des exuvies restées accrochées dans la végétation rivulaire (enveloppe vide laissée au cours de la transformation de la larve aquatique en insecte adulte volant). © Marion Poiret

L’émergence peut durer deux à  quatre heures. A la fin de celle-ci, les téguments sont encore mous, parfois translucides. Les jeunes individus prennent un premier bain de soleil pour sécher leurs ailes mais s’écartent ensuite assez vite des points d’eau où ils ont vu le jour pour se mettre à  l’abri du vent, des prédateurs et des rivaux potentiels en attendant leur maturité sexuelle. Pendant ce cours laps de temps (de quelques jours à  quelques semaines), l’exosquelette se rigidifie et leurs couleurs définitives se révèlent. Ils reviendront ensuite au bord de l’eau pour s’accoupler. Les prairies, fourrés ou lisières forestières à  proximité des points d’eau peuvent donc faire l’objet de nombreuses observations.

 © Marion Poiret
Ciel voilé et vent. Le temps n’est pas propice à  l’observation. Nous sommes en quête dans les hautes herbes… © Marion Poiret
 © Marion Poiret
Enfin, le premier anisoptère ! Un filet entomologique, des jumelles à  mise au point rapprochée et un guide d’identification font partie du matériel de l’odonatologue. © Marion Poiret

Pour améliorer vos connaissances et identifier les espèces, voici une sélection d’ouvrages :

  • Guide des libellules de France et d’Europe (Delachaux et Niestlé)
  • Les libellules de France, Belgique et Luxembourg (collection Parthénope, éditions Biotope)
  • Cahier d’identification des libellules de France, Belgique, Luxembourg et Suisse (éditions Biotope)
 © Marion Poiret
Orthotetrum cancellatum et Homo sapiens en face à  face © Marion Poiret

Retrouvez ici les belles rencontres du 28 mai.

Attention, les espèces protégées ne peuvent être capturées sans autorisation spécifique et les individus immatures sont extrêmement fragiles. La pratique de la macrophotographie apparait dans bien des cas suffisante pour la détermination de l’espèce.

Quelques liens utiles en complément :

suivi temporel des libellules (STELI), programme de sciences participatives

la liste rouge des libellules d’Ile-de-France

atlas des libellules d’Ile-de-France – organiser une journée de prospection

L'actualité de la Nature

Qui se cache derrière le masque ?

© Marion Poiret
Quelle est donc cette chose étrange et creuse ? Un corps en 3 parties, 3 paires de pattes : aucun doute, cela appartient à  un insecte, en l’occurrence un odonate. Cette exuvie a été trouvée au bord d’un étang de la base de loisirs de Cergy. © Marion Poiret

La forme générale et la taille de l’exuvie (dépouille larvaire abandonnée après chaque mue), la forme du masque, le nombre et la longueur des épines par rapport aux segments de l’abdomen, les détails de la pyramide anale (extrémité abdominale) font partie des critères importants de détermination des exuvies d’odonates qui permettront d’identifier successivement la famille, le genre, puis l’espèce. Le zoom sur l’image ci-dessus montre que l’épine latérale du segment 9 de l’abdomen est de longueur supérieure à  3/4 de la longueur du segment 10.

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Les larves d’Odonates se singularisent par la présence d’un masque, ou labium (lèvre inférieure des insectes) articulé. Cet organe, en se dépliant, permet la capture des proies. Ses caractéristiques facilitent la détermination des espèces. © Marion Poiret

 

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Masque plat, grands yeux, taille comprise entre 30 et 55 mm : quelques indices nous amenant vers la famille des Aeshnidae . © Gilles Carcassès

Après avoir observé, clé de détermination en main, la forme générale, les proportions du masque, la pyramide anale et les épines de l’abdomen notre enquête s’achève et nous identifions l’espèce : il s’agit d’Aeshna mixta.

Chez les odonates, larve et adulte vivent dans des milieux différents : la larve se développe sous l’eau en plusieurs mues successives. Cette vie aquatique est longue comparativement au temps vécu par l’adulte dans le milieu aérien.

Au terme de sa croissance, la larve sort du milieu aquatique et s’agrippe solidement sur un support (tiges et feuilles de la végétation riveraine des plans d’eau ou des rivières, rochers). L’insecte s’extrait alors de son exuvie. Cette métamorphose de la larve aquatique vers l’état adulte s’appelle l’émergence.

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Aeshna mixta, adulte mâle au parc du château de Menucourt © Marion Poiret

L’étude de ces exuvies est un complément indispensable à  l’observation des adultes en odonatologie. En effet, seule la présence des exuvies (ou des larves) prouve que l’espèce est autochtone et bien présente sur un site donné et permet ainsi d’améliorer la connaissance des cortèges d’espèces et des densités de populations. Un adulte de passage peut très bien être observé mais ne pas se reproduire sur les lieux. Par ailleurs, les exuvies sont le moyen le plus facile d’attester de la présence d’espèces très discrètes à  l’état adulte.

clefs de détermination Guillaume Doucet

cahier d’identification biotope

biologie et écologie des odonates partie 1 PJourde