L'actualité de la Nature

Dans les caves secrètes du palais de Tokyo

Pistonné par un ancien de Cergy-Pontoise Aménagement, me voilà  bombardé expert en biodiversité pour le Palais de Tokyo, à  Paris. Que mon employeur se rassure, c’est en bénévolat et en dehors de mes heures de travail… Le Palais de Tokyo a été construit pour l’Exposition universelle de 1937. Aujourd’hui, c’est l’un des plus grands sites dédiés à  l’art contemporain. Pour cet automne, l’un des artistes invités prépare une performance dont l’inspiration serait la biodiversité locale. Me voici donc prêt à  réaliser l’inventaire. Surprise, l’espace à  inventorier n’est pas le jardin, mais une grande cave désaffectée au dernier sous-sol, sans lumière.

Le lieu, entièrement bétonné, est resté dans son jus authentique de 1937 ; il est extrêmement sec et poussiéreux. La chargée de production, la régisseuse et moi progressons en groupe serré, à  la lueur de petites lampes torches, à  la recherche du moindre indice de vie.

Tégénaire © Gilles Carcassès
Tégénaire © Gilles Carcassès

Une tégénaire, curieuse, vient à  notre rencontre. Les proies vivantes sont sans doute plutôt rares. Nous observons aussi une autre araignée commune dans les caves : Steatoda grossa, une forme assez pâle fréquente dans les lieux sombres. Mais à  part ces deux araignées, quoi d’autre ?

Une mouche Calliphoridae femelle © Gilles Carcassès
Une mouche Calliphoridae femelle © Gilles Carcassès

Enfin une trouvaille : un cadavre de mouche. Je parierais pour Cynomyia mortuorum, une mouche bleue, bien connue des spécialistes de l’entomologie médico-légale parce qu’elle est très utile pour estimer le délai post-mortem. Celle-ci a peut-être quelque chose à  voir avec le pigeon mort que nous avons trouvé dans le jardin…

La mouche des éviers © Gilles Carcassès
La mouche des éviers © Gilles Carcassès

Nous trouvons les restes d’un autre diptère, du genre Psychoda, appelé communément « mouche des éviers ». Elle vit dans un autre sous-sol où quelques menues fuites d’eau offrent un milieu de vie à  ses larves. Elle se sera égarée par ici.

Moustique mâle © Gilles Carcassès
Moustique mâle mort © Gilles Carcassès

Culex pipiens, le moustique qui importune parfois le personnel en charge du rangement du matériel électrique passe l’hiver à  l’étage de la mouche des éviers en compagnie des lépismes (poissons d’argent).

Scutigère véloce © Gilles Carcassès
Scutigère véloce © Gilles Carcassès

Le beau trophée de cette exploration insolite aura été cette scutigère, elle aussi totalement desséchée. Ce myriapode à  15 paires de pattes, appelé « mille-pattes des maisons » est un redoutable chasseur. Il est plus fréquent dans le Midi.

Plante en plastique pour aquarium © Gilles Carcassès
Plante en plastique pour aquarium © Gilles Carcassès

La flore est présente aussi : nous découvrons cette branche d’élodée synthétique échappée d’un improbable aquarium, et aussi un pépin de pomme Reinette Clochard, et un morceau d’inflorescence de miscanthus, une des graminées décoratives des jardins publics voisins, trainée jusqu’ici par un rat de passage sans doute.

 

L'actualité de la Nature

Merci les mouches

Où serions-nous sans les mouches ? Ensevelis sous les détritus !

Dans cet article Romain Julliard, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle, rapporte que les arthropodes (des crustacés aux insectes) éliminent plus de déchets dans les villes que toutes les autres espèces de vertébrés réunies. Selon cet éminent spécialiste, la connaissance de la biodiversité urbaine et la sensibilisation du public à  sa protection sont des enjeux essentiels pour l’avenir de nos cités.

Parce que, au sein des arthropodes consommateurs de déchets, les mouches tiennent une place de choix, je vous propose de découvrir quelques espèces urbaines très actives dans le domaine de la transformation de la matière organique.

Lucilia © Gilles Carcassès
Lucilia sp., photographiée à  Saint-Ouen-l’Aumône © Gilles Carcassès

Les Lucilia sont les premières à  pondre sur les déchets carnés et les excréments. Elevées dans des conditions stériles, elles sont utilisées en asticothérapie pour le nettoyage des plaies.

Sarcophaga © Gilles Carcassès
Sarcophagidae, photographiée à  Saint-Ouen-l’Aumône © Gilles Carcassès
Cynomya mortuorum © Gilles Carcassès
Cynomya mortuorum, photographiée à  Puiseux-Pontoise sur une fleur de panais © Gilles Carcassès

Les Sarcophaga et les Cynomya sont attirées par les odeurs cadavériques. Elles appartiennent à  la deuxième des huit vagues d’arrivée successives sur les cadavres.

Hermetia illuscens, la mouche des poubelles des villes du Sud© Gilles Carcassès
Hermetia illucens, la mouche des poubelles des villes du Sud de la France. On la reconnaît aux curieuses fenêtres transparentes sur son abdomen (cet aspect serait censé la protéger des prédateurs en lui donnant l’apparence d’une guêpe américaine…). © Gilles Carcassès

Hermetia illucens est une américaine arrivée en France dans les années 1950 (un bon cru). Cette mouche tropicale a colonisé tous les continents. Elle est très efficace dans la consommation de toutes sortes de déchets. Elle est même utilisée dans certains procédés de compostage. On l’élève pour la nourriture de poissons et d’animaux de terrarium.