De passage à l’école Du Breuil, j’ai observé les allées et venues des insectes butineurs sur les fleurs d’un beau pied de panicaut. Des abeilles domestiques et des isodonties du Mexique y étaient très actives, ainsi que quelques guêpes polistes.
L’une d’entre avait des tergites (arceaux supérieurs des segments de l’abdomen) curieusement relevés.
Sur cette photo, on voit la cause de cette anomalie : des strepsiptères parasitent et « zombifient » cette infortunée guêpe dont le comportement sera modifié aux bénéfice de ses hôtes.
Amusez-vous à repérer ces guêpes ainsi parasitées (que l’on dit stylopisées), vous avez toutes chances d’en croiser : il paraît qu’une sur douze est concernée.
Retrouvez notre article sur les mœurs stupéfiantes de ces parasites :
C’était au début du mois de juillet 2018 et il faisait bien chaud.
Ces guêpes polistes agitaient vivement leurs ailes pour ventiler le nid de leur petite colonie logée à l’intérieur de cette rampe d’escalier extérieur.
Inquiétée par mon approche, celle-ci a cessé de ventiler. J’en ai profité pour photographier ce bel insecte aux ailes couleur caramel.
La vue de profil aide à déterminer l’espèce car il faut, pour cet exercice, apprécier la couleur des mandibules et des joues de l’animal.
Mais était-ce une bonne idée que d’établir leur nid juste à l’endroit où des centaines de passants tous les jours posent leur main ? J’ai observé le manège de ces insectes quelques jours, jusqu’à la fin brutale et prématurée de leur aventure : quelqu’un est venu pulvériser un insecticide.
Je suis allé aux 8èmes rencontres naturalistes franciliennes prendre des nouvelles de la biodiversité de notre région : l’arrivée du castor dans l’Essonne, la reproduction du circaète (un rapace qui ne se nourrit que de reptiles) à Fontainebleau, la découverte de plantes rares dans les mouillères du Gatinais, bref plein de nouvelles réjouissantes… Grégoire Loà¯s, le directeur de VigieNature, a stupéfié l’auditoire avec une communication sur les strepsiptères, les plus étranges des insectes. Figurez-vous, Alien est un agneau à côté du strepsisptère !
Cet insecte passe l’essentiel de sa vie dans le corps d’une guêpe ! Seule la tête dépasse entre deux segments abdominaux de l’infortunée guêpe parasitée. Les femelles strepsiptères n’ont pas d’yeux, ni de bouche, pas de pattes non plus, pas d’ailes, pas d’antennes. C’est juste un sac mou qui se nourrit de l’hémolymphe de son hôte par perméabilité cutanée.
Le mâle a des pattes, de belles antennes ramifiées et est doté d’une paire d’yeux à lentilles plus proches, paraît-il, de ceux des trilobites que des autres insectes. Il a une paire d’ailes et une paire de balanciers, mais à l’inverse des mouches, ce sont les ailes antérieures qui sont réduites à l’état de balanciers. Il vit à l’état adulte quelques heures, le temps de rencontrer une femelle. Celle-ci n’a pas de sexe et lors de la fécondation par le mâle, les spermatozoà¯des pénètrent dans son corps par des pores. Elle se remplit d’embryons qui se nourrissent de la chair de leur mère. Les jeunes larves, minuscules et munies de pattes, sortent de la dépouille maternelle et sautent sur une autre guêpe de passage.
Les guêpes parasitées – on dit stylopisées en ce cas – vont toujours visiter leur nid mais ne travaillent plus pour leur colonie. Elles finissent même par changer de sexe. La présence des parasites les a rendu zombies. Et, c’est bien connu, les zombies ont tendance à former des groupes compacts, ce qui facilite grandement les rencontres entre adultes strepsiptères mâles et femelles.
Grégoire les a compté : une guêpe poliste sur 12 en France est parasitée par les strepsiptères ! Alors j’ai ressorti mes photos de polistes, et j’en ai trouvé une qui montre une déformation typique de ce parasitisme : un segment abdominal est nettement soulevé. Malheureusement l’angle de prise de vue ne permet d’apercevoir le strepsiptère.