Merci aux fidèles lectrices et lecteurs qui ont tenté leur chance. Ces mystérieuses bestioles ne sont pas des mues de coccinelles, ni des graines, ni des cloportes poilus, ni des poux de loups (quelle imagination !)…
Le polyxène à pinceau est un mille-pattes ! Il possède même deux paires de pattes par segment, ce qui le place dans la classe des diplopodes.
Evidemment, il faut y regarder de près car la bête adulte ne dépasse pas 4 mm. Cette petite famille était dans son habitat préféré : sous une écorce de platane. Les polyxènes mangent des détritus organiques, sans doute aussi des algues et des champignons microscopiques.
Mais que font-ils avec leur pinceau en l’air ? Cherchent-ils à m’impressionner ? En fait, ces pinceaux sont des armes redoutables ! Lorsque les polyxènes se sentent menacés par une fourmi ou une araignée, ils frottent la face de leur agresseur avec leur pinceau, dont les longs poils détachables sont armés de barbes et de crochets minuscules. Le prédateur incommodé cherche à se défaire de ces poils qui s’accrochent à ses soies et ne fait que s’emmêler plus encore, laissant à ses proies leur chance dans la fuite.
Pistonné par un ancien de Cergy-Pontoise Aménagement, me voilà bombardé expert en biodiversité pour le Palais de Tokyo, à Paris. Que mon employeur se rassure, c’est en bénévolat et en dehors de mes heures de travail… Le Palais de Tokyo a été construit pour l’Exposition universelle de 1937. Aujourd’hui, c’est l’un des plus grands sites dédiés à l’art contemporain. Pour cet automne, l’un des artistes invités prépare une performance dont l’inspiration serait la biodiversité locale. Me voici donc prêt à réaliser l’inventaire. Surprise, l’espace à inventorier n’est pas le jardin, mais une grande cave désaffectée au dernier sous-sol, sans lumière.
Le lieu, entièrement bétonné, est resté dans son jus authentique de 1937 ; il est extrêmement sec et poussiéreux. La chargée de production, la régisseuse et moi progressons en groupe serré, à la lueur de petites lampes torches, à la recherche du moindre indice de vie.
Une tégénaire, curieuse, vient à notre rencontre. Les proies vivantes sont sans doute plutôt rares. Nous observons aussi une autre araignée commune dans les caves : Steatoda grossa, une forme assez pâle fréquente dans les lieux sombres. Mais à part ces deux araignées, quoi d’autre ?
Enfin une trouvaille : un cadavre de mouche. Je parierais pour Cynomyia mortuorum, une mouche bleue, bien connue des spécialistes de l’entomologie médico-légale parce qu’elle est très utile pour estimer le délai post-mortem. Celle-ci a peut-être quelque chose à voir avec le pigeon mort que nous avons trouvé dans le jardin…
Nous trouvons les restes d’un autre diptère, du genre Psychoda, appelé communément « mouche des éviers ». Elle vit dans un autre sous-sol où quelques menues fuites d’eau offrent un milieu de vie à ses larves. Elle se sera égarée par ici.
Culex pipiens, le moustique qui importune parfois le personnel en charge du rangement du matériel électrique passe l’hiver à l’étage de la mouche des éviers en compagnie des lépismes (poissons d’argent).
Le beau trophée de cette exploration insolite aura été cette scutigère, elle aussi totalement desséchée. Ce myriapode à 15 paires de pattes, appelé « mille-pattes des maisons » est un redoutable chasseur. Il est plus fréquent dans le Midi.
La flore est présente aussi : nous découvrons cette branche d’élodée synthétique échappée d’un improbable aquarium, et aussi un pépin de pomme Reinette Clochard, et un morceau d’inflorescence de miscanthus, une des graminées décoratives des jardins publics voisins, trainée jusqu’ici par un rat de passage sans doute.