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Coléoptères, fins stratèges !

Les mandibules des insectes ne servent pas qu’à  l’alimentation. On connaît bien sà»r les joutes entre mâles des espèces pourvues de mandibules très développées, comme le lucane. Mais elles peuvent aussi servir à  découper le végétal, dans le but de saboter les défenses chimiques des plantes, pour se cacher des prédateurs ou encore fournir un nid à  leur progéniture !

Voici trois exemples de ces découpes stratégiques :

Henosepilachna argus – Eragny-sur-Oise © CACP – Gilles Carcassès

Avant de consommer cette feuille de bryone, Henosepilachna argus, la coccinelle de la bryone, a soigneusement incisé la feuille selon une longue ligne arrondie en pointillés (en partie basse de la photo ci-dessus). Elle s’attaque ensuite à  la partie en aval de cette découpe. Il paraît que de cette façon elle sabote le système de défense chimique de la plante. Ce comportement est à  rapprocher de celui de certaines chenilles qui sectionnent les canaux lactifères de feuilles de plantes à  latex avant de les consommer tranquillement, hors d’atteinte des gouttes d’un latex à  la fois collant et toxique. La bryone n’est pas une plante à  latex mais il est possible que sa sève se charge de produits inappétants pour les insectes lorsqu’une feuille est blessée. Avec cette incision, l’insecte couperait le chemin de la sève vers la partie convoitée.

Couple de coccinelles de la bryone © CACP – Gilles Carcassès

Cette femelle de coccinelle de bryone a découpé cette feuille et a commencé à  en mâchouiller le parenchyme. Mais un mâle entreprenant est venu interrompre son repas !

Tituboea sexmaculata © CACP – Gilles Carcassès

Maladroite, cette chrysomèle qui coupe après son repas l’extrémité du rameau sur laquelle elle est installée ? Peut-être que non : certains insectes feraient ainsi pour cacher leurs méfaits et déjouer la gourmandise des oiseaux qui les cherchent parmi les feuilles grignotées… Ne pas laisser de traces pour ne pas attirer l’attention.

L’oeuvre élégante et savante du cigarier du noisetier © CACP – Gilles Carcassès

Apoderus coryli, le cigarier du noisetier découpe très précisément une feuille de façon à  en faire pendre un large lambeau qu’il roule sur lui-même avec ses petites pattes musclées. En séchant, ce « cigare » servira d’abri solide et de garde-manger à  sa larve.

Apoderus coryli, jeune adulte issu d’un de mes élevages  © CACP – Gilles Carcassès

Source :

Le sabotage des défenses des feuilles, par Alain Fraval / Insectes n°186 – 3éme trimestre 2017