En visite au jardin botanique de Bordeaux, j’ai fait une étrange découverte : des coquilles d’œufs, suspendues près des branches d’un pommier, dans un filet à oignons.
Une fantaisie de jardinier sans doute… Je me renseigne sur internet et je découvre que ces fameuses coquilles auraient de mystérieux pouvoirs. Contre la piéride du chou, le ver du poireau, la cloque du pêcher, les maladies des tomates, les fourmis, elles sont mises à toutes les sauces. Mais de référence scientifique sur le sujet, aucune !
Ou plutôt si, j’en ai trouvé une…
Jean-Henri Fabre, dans ses Souvenirs entomologiques, évoque en quelques pages savoureuses l’emploi des coquilles d’œufs pour protéger les cultures. Voici ce passage :
« Au temps de Pline, le grand naturaliste latin, on dressait un pal au milieu du carré de choux à protéger, et sur ce pal on disposait un crâne de cheval blanchi au soleil ; un crâne de jument convenait mieux encore. Pareil épouvantail était censé tenir au large la dévorante engeance.
Ma confiance est très médiocre en ce préservatif ; si je le mentionne, c’est qu’il me rappelle une pratique usitée de notre temps, du moins dans mon voisinage. Rien n’est vivace comme l’absurde. La tradition a conservé, en le simplifiant, l’antique appareil protecteur dont parle Pline. Au crâne de cheval on a substitué la coquille d’un œuf dont on coiffe une baguette dressée parmi les choux. C’est d’installation plus facile ; c’est aussi d’efficacité équivalente, c’est-à -dire que cela n’aboutit absolument à rien.
Avec un peu de crédulité tout s’explique, même l’insensé. Si j’interroge les paysans, nos voisins, ils me disent : l’effet de la coquille d’oeuf est des plus simples ; attirés par l’éclatante blancheur de l’objet, les papillons viennent y pondre. Grillés par le soleil et manquant de nourriture sur cet ingrat appui, les petites chenilles périssent, et c’est autant de moins.
J’insiste, je demande si jamais ils ont vu des plaques d’œufs ou des amas de jeunes chenilles sur ces blanches coques.
— Jamais, répondent-ils unanimement.
— Et alors ?
— Cela se faisait ainsi autrefois, et nous continuons de le faire sans autre information.
Je m’en tiens à cette réponse, persuadé que le souvenir du crâne de cheval en usage autrefois est indéracinable comme le sont les absurdités rurales implantées par les siècles. »
Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre (voir page 140 )
Bonjour Gilles, je crois qu’il ne faut jamais sous-estimer les pratiques de nos ancêtres!
Les peuples anciens avaient la sagesse et la connaissance d’eux même, transcendant ainsi le besoin de la science et d’un monde extérieur complexe. Ils avaient la « technologie intérieure » leur permettant de vivre autrement et d’être connectés à la nature. Nous devons dépasser les limites de nos sources de savoir actuelles (la science, la religion, la spiritualité) et les unir en une plus grande sagesse 🙂